Heavy Psych Prog.
Sortie le 16 octobre chez Season of Mist.
Délicat d’attaquer l’écoute de « Through the Hollow » sans chercher à mesurer le vide laissé par la disparition de Selim Lemouchi, fondateur du « Devil’s Blood », la formation dont sont issus quatre des six membres de Molassess. En parcourant la liste des titres de ce premier album, on pourrait craindre un éloge funèbre, une œuvre de colère, de recueillement, d’amertume, entièrement habité par l’absent et son héritage. Un mausolée musical en somme. Mais ce serait sans compter sur la flamme que ces six musiciens parviennent à ranimer, accompagnant le talent de Farida Lemouchi qui semble dans l’intervalle être passée de prédicatrice virulente de « Devil’s Blood » à prêtresse finalement initiée… et apaisée.
Du vide, il en est bien question tout au long de l’album, jusque dans sa forme : les premières minutes de « Through the Hollow » construisent à partir du silence un enchevêtrement hypnotique de lignes instrumentales qui se succèdent et se superposent, jusqu’au jaillissement de la voix, au registre bas et profond, familier mais subtilement différent. En onze minutes, on comprend que l’inspiration est là, entière et neuve, et qu’un rayon de lumière s’est même insinué dans la voix de Farida.
Le voyage se prolonge par une traversée souterraine plus obscure, « Get Out From Under », où l’on commence à entrevoir les démons qui hantent la musique de Molassess, le patrimoine des années sombres : un morceau bien plus heavy, où les roulements de toms évoquent des forces qui nous dépassent, tandis que cette voix qui vient d’ailleurs se brise parfois et renoue avec son tremolo incomparable.
Nous voilà prêts à rencontrer Molassess sous leur véritable jour, un clair-obscur où les ingrédients se fondent et se mélangent dans une musique épaisse, texturée, profonde, pleine de reflets changeants et dont le flot ne s’interrompt pas : comme la lave d’un volcan, il recouvre tout, charriant avec lui toutes les influences du groupe fondues en une masse vivante. Entre le rock progressif de « Formless Hands » et les envoutantes messes noires (« Corpse of Mind », « I am no longer »), depuis les envolées jazzy de « The Maze » et psychées de « Death Is » jusqu’au pur instrumental atmosphérique (« The Tunnel »), on se laisse emporter par ce courant qui ne se précipite jamais et nous fait voyager loin.
Le son est riche de bout en bout, les atmosphères patiemment travaillées, ciselées pour nous emmener de plus en plus profond, là où tout n’est pas que lumière et bienveillance. Un voyage introspectif où rien n’est laissé au hasard, jusqu’à la spatialisation du son : l’impressionnant travail sur les reverbs sublime le moindre détail d’une cathédrale souterraine aux proportions parfaites. Aux premières loges, la voix insondable de Farida, dont les soubresauts ricochent sur des parois lointaines : mémoire, douleur, résilience…
Il est temps de conclure, avec « The Devils Lives », morceau fleuve qui clôt l’album, où l’influence de « Devils Blood » se fait plus marquée, mais se conjugue avec une plénitude inhabituelle, une sagesse nouvelle, un surplus de conscience : « There are no secrets left », dis Farida… On assiste dans ces dernières minutes à la quintessence d’un album extrêmement puissant, pour peu qu’on s’y laisse prendre. La réelle communion entre les musiciens et leur chanteuse saute aux oreilles. Farida Lemouchi, en revendiquant enfin sans fard son héritage « the devil’s blood is here with me…», permet au groupe, finalement, de le dépasser tout à fait.
Yann B.
pour BGP MUSIC LIVE
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