Label/Production : KLONOSPHERE – Season Of Mist
Artwork : Lucie CROS
Photo : Clara MARBAN
Hello les jeunes Siths !
Un petit peu de progressif, ça vous tente ?
Les lecteurs les plus attentifs et assidus diraient : « Heuuuuuu… Poussin, tu radotes ou bien ? Tu nous as déjà sorti cette tirade pour ta dernière chro ! Tu craques ! Encore du prog’ !»
Ah oui… c’est pas faux ça! Sauf que là, c’est du post-prog’… ok, je suis de mauvaise foi… et j’assume ;)
Mais soyez rassurés, je ne suis pas souffrant, j’écoute toujours autant de trucs bien gras avec de vrais morceaux de « Bidule Core » ou de « Brutal Machin Chose» dedans… Cependant, peut-être que mon cerveau de quarantenaire demande un peu plus de douceur en ce moment… La sagesse peut-être ? ou pas ;)
Plus sérieusement, recentrons-nous sur le groupe Hamasaari, avec son premier album « Ineffable »… et que dire si ce n’est que c’est une bien belle prod’ que nous propose une fois de plus la Klonosphère… que dis-je, c’est une vraie tuerie !
Pour introduire brièvement le groupe (en tout bien tout honneur évidemment !), Hamasaari est originaire du Mans et s’est formé durant la période CoVID 2020-21 avec la même équipe que le feu Shuffle.
La formation, qui voulait repartir de zéro et constituer un nouveau projet, se compose donc des 5 compères :
Jordan Jupin : Chants et guitare
Sullivane Albertini : Clavier
Antoine Alric : Guitare
Jonathan Jupin : Bass
Élie Chéron : Batterie
Concernant l’artwork, simple et efficace, on le doit à l’artiste Lucie CROS et les photos à Clara MARBAN.
Pour faire simple concernant cet album, si vous cherchez à voyager, si vous cherchez de la musique ainsi que des mots qui portent, le tout saupoudré de compos techniques, inspirées et inspirantes… ce post-prog influencé par Porcupine Tree et Karnivool (entre autres) est fait pour vous…
D’ailleurs, avant de commencer à examiner à la loupe le fond et la forme de cet « ineffable » album. Je tiens justement à m’attarder, le temps de quelques mots (dixit le bavard de service !), sur le nom de cet opus… à mon sens très bien choisi tellement sa construction musicale m’a laissé sur le cul et… sans mots…
Toutefois, et c’est bien là la seconde particularité de cet album, en plus d’une structure musicale plus complexe qu’il n’y parait, c’est le double sens du mot « Ineffable » qui peut troubler. Je m’explique : « ineffable » peut vouloir dire « laisser sans mots », ou peut également signifier « le ridicule » ou « l’extravagance », ça plante gentiment le décor hein ! Tout ça pour dire que durant ce voyage musical, il y aura une multitude de possibilités d’interprétations qui s’offrira à vous.
A première vue, on pourrait croire, en raison du rythme doux et planant de l’album, que le sens du message pourrait être lisse et « mignon » … Mais il n’en est rien et au final, beaucoup d’éléments portent à croire que cet opus est un vrai manifeste, une critique sans concession de l’être humain, de notre société voire des fondements religieux. Il s’en dégage une profonde émotion, tant par un chant parfois hypnotique que par des rythmes enveloppants ou brutaux.
L’approche, je trouve, est plutôt bien amenée car les textes semblent être narrés par un protagoniste imaginaire issu d’une « île inexplorée par l’espèce humaine dans le Nord de l’Europe, au pays des aurores boréales » et qui a priori, ne connait pas ou peu les civilisations qui peuplent ce qui est le monde moderne dans lequel nous vivons… On verra par la suite, quand on parlera davantage de chaque morceau, qu’il en ressort un certain étonnement du personnage qui peu à peu se transformera en aversion puis en profonde lassitude et mélancolie…
Les morceaux justement, parlons en… cet album de presque 40 minutes et 7 morceaux est pour le moins déstabilisant de par sa construction.
En effet, force est de constater que le rythme est soutenu au départ (« Different time ») pour rapidement se poser et finir dans une espèce de torpeur… Rien de péjoratif à cela et je vous rassure, on s’habitue très rapidement à cette construction mais clairement, on peut être surpris ;)
Pour étoffer mes propos, je vous propose de passer à l’épluchage de textes (encore une chronik de 3 pages sous format « cours de Français » … quand j’aime, je ne lésine pas sur les moyens !) :
« Different time » : après quelques secondes d’intro plutôt douce, ce morceau part très rapidement sur un rythme soutenu, porté notamment par des instruments à la fois doux et incisifs. Quant au chant, il est retenu et la voix comme… haletante. Sans même m’être attardé sur le texte, ce morceau m’a rapidement fait penser à une personne en pleine course, ou alors se trouvant confrontée à une situation inconnue, étrange, voire effrayante. Les paroles viennent appuyer ce sentiment malaisant : on y découvre un texte fort, une personne manifestement lâchée au milieu d’un monde impitoyable, inhumain et sans aucune empathie… Je l’avais bien dit, les textes sont puissants et on se sent très rapidement submergé par une impression de prise au piège et de désespoir… Tout est brut et dans un sens réaliste (d’actualité ?) … et le chorus, hurlé et aux antipodes du reste de la chanson, est bien-là pour accentuer une sorte de douleur, celle de pouvoir être rejeté et laissé pour compte.
Nota : Ce morceau peut clairement faire office d’étrangeté au milieu de l’album, vous le verrez, de par sa « brutalité », notamment, contrairement à tous les autres morceaux qui nous emportent comme sur un nuage.
« Crumbs » : en parlant de réveil, ce deuxième morceau englobe bien cette idée, « time to wake up » … Il est clairement une critique sans détour de nos modes actuels de fonctionnement, un train-train bien calculé pour ramasser des « miettes », rythme totalement abrutissant pour finalement rester sous silence… Je parlais de manifeste un peu plus haut, dès lors il n’y a plus un seul doute. La mélodie est également bien choisie, on est sur des rythmes planants et une voix envoutante, la basse alimentant de son groove une impression de mélancolie. Toutefois, les guitares et la batterie reprennent le dessus en milieu et en fin de morceau comme pour accentuer un bref message optimiste via des sonorités puissantes, le protagoniste luttant contre l’égoïsme et luttant pour garder sa liberté de parole… On souhaiterait y croire. Personnellement, ce morceau me touche beaucoup, dans un sens d’actualité, et est sans conteste mon deuxième préféré de l’album tellement il prend au bide.
« Lords » : Autant le morceau précédent présentait une faible lueur d’espoir de la part de notre inconnu issu de son île nordique, autant ce « Lords » (qui je crois devait s’appeler « Worst » à la base) présente une réelle impasse. Ce morceau aux multiples influences (notamment du Leprous sur certains patterns mélodieux, à mon humble avis !) montre du doigt une société qui ne maitrise finalement rien au profit de « seigneurs » mesquins et menteurs. Le ton y est très mélancolique et le chanteur met en avant des gammes riches et travaillées très prenantes. On se sent comme enveloppé, littéralement !
« Bleak » : « Bleak » enfonce le clou. D’une réelle douceur au début, ce morceau laisse le pas peu à peu à un tempo martelé, à la lourdeur de la basse et de la batterie… Bref, tout est là pour donner un réel sentiment d’étouffement au fur et à mesure que le morceau s’écoule. Les paroles sont simples mais suffisantes pour confirmer cette notion de malaise et de questionnement, est-ce une introversion de la part du protagoniste ? Mon petit doigt me dit que « White Pinnacle » va répondre à notre interrogation.
« White pinnacle » : Second morceau qui me touche énormément et clairement mon préféré. Il est impressionnant de richesse et d’émotions, débutant par une intro très lourde, il alterne rapidement entre voix envoutante, growl et envolées musicales appuyées notamment par un clavier apportant une réelle profondeur à l’ensemble (comme sur le reste de l’album d’ailleurs !). Le texte n’est pas en reste et reflète parfaitement la perte d’espoir du protagoniste. D’ailleurs, rien que le titre peut-être interprété de plusieurs façons… entre la pièce architecturale se trouvant en partie haute d’un édifice monolithique (peut-être symbole de la tour d’argent dans laquelle les « Lords » se cachent) ou le relief géologique, d’aspect monumental et dont la structure défie les lois de la gravité, l’auditeur peut laisser libre cours à son imagination (tour imprenable ou au contraire édifice pouvant être renversé à tout instant… vous avez 4 heures ;) ). Le texte fait également de vagues références à la foi (comme pour « Crumbs » d’ailleurs), « grâce », « pécher », « prêcher », « troupeau » … Tout est lourd de sens et est-ce également une critique à l’encontre des croyances ? … Pourquoi pas au regard du sens critique qui fait office de fil rouge tout le long de l’album. Ce morceau est révélateur de la maîtrise de composition du groupe et d’une grande maturité musicale. Si vous aviez un doute sur le fait que cet album est une pépite, ce morceau devrait définitivement vous convaincre.
« Old memories » : Avant dernier morceau de cet album, ou comment un personnage empathique se pose des questions sur ses actes passés et l’impossibilité de recommencer, partir à nouveau de zéro. Morceau étonnant par son contenu au regard des précédentes chansons ; on a affaire à un personnage qui se torture l’esprit pour des actes qui finalement sont beaucoup moins répréhensibles que ceux des « lords » dénoncés plus haut… Ironie d’une personne qui culpabilise ou du moins qu’on arrive à faire culpabiliser… Les paroles sont une fois de plus appuyées par un chant limpide et une mélodie planante, un autre morceau qui prend au bide.
« Prognosis » : Quelle belle conclusion que ce morceau. On termine ici sur la plus planante des plages, entre la gratte en acoustique et la voix cristalline, l’auditeur est sur un nuage… Mais il ne doit pas se méprendre car en guise de conclusion, ce sont des questions que se pose le protagoniste, et pour être clair, ce ne sont en rien des questions sous-entendant un quelconque espoir, entre culpabilité et désespoir, l’heure n’est clairement plus à l’optimisme, j’en ai peur…
Pour conclure, vous vous en doutez, j’ai adoré cet album. Il est à la fois tendre et puissant, massif et délicat, mélangeant les atmosphères sombres et oppressantes d'un monde a priori fictif mais où tout laisse à penser que les textes sont ni plus ni moins qu’une critique de notre société moderne et de tout ce qui la constitue.
D’un point de vue musical, c’est maîtrisé mais sans fioritures, entre un « basse-batterie efficace et parfois poly-rythmé », des claviers apportant profondeur et richesse à l’ensemble, des guitares se répondant parfaitement et une voix claire et travaillée, tous les ingrédients d’un très bon album sont présents.
En clair, c’est fort, authentique, émotionnel et saisissant, ça prend au bide et cette épopée mélancolique, dans laquelle rien n’a été laissé au hasard, ne vous laissera en aucun cas indifférent. Je vous invite sincèrement à jeter une oreille sur « Ineffable » et espère au groupe la reconnaissance qu’ils méritent.
Sur ce, je vous laisse, bonne écoute et à bientôt pour une nouvelle chronik !
Que la force soit avec vous !
Poussin
pour BGP MUSIC LIVE
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